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Le droit de le dire

Editorial La Presse

 

Postuler pour un visa touristique, disposer de ce droit ponctuel de visiter les pays qui le requièrent, est une tâche fastidieuse à laquelle il faut se préparer physiquement, mentalement et financièrement. D’abord, pour s’inscrire, ouvrir un dossier, remplir les formulaires et tutti quanti, il faut être au fait des secrets subtils de l’informatique. Les instructions ne sont pas claires, les indications compliquées, un clic et l’on est entraîné dans des labyrinthes sans issue.

Une fois cette étape digitale et décisive franchie grâce à la contribution d’informaticiens aguerris, c’est au tour de la deuxième. Et c’est une tout autre histoire, parce qu’il faut prendre son mal en patience, recueillir et livrer une foultitude de renseignements sur les conjoints, sur les ascendants et les descendants, sur les beaux-fils et les demi-sœurs.  Contraint et forcé, l’on renoue avec des proches éloignés et perdus de vue. La mention « toute information erronée entraîne systématiquement le rejet du dossier » nous presse de les importuner de questions indiscrètes, suscitant étonnement et méfiance. Il faudra encore fournir des attestations de patrimoine, celles des métiers exercés, des diplômes obtenus et des relevés bancaires de plusieurs mois. Certains poussent le raffinement jusqu’à revendiquer des données très personnelles. Et l’on se retrouve à rouvrir les vieux dossiers, détailler les dates des mariages, des divorces, étaler les erreurs de jeunesse, se justifier dans des lettres explicatives. Il faut « leur » prouver, les tout-puissants juges qui vont décider de votre sort, que l’on vit somme toute bien, que l’on a un emploi stable, que les relations familiales sont au beau fixe. Loin de nous l’idée de nous installer (clandestinement) dans votre pays.

Le rendez-vous est enfin fixé pour déposer ce millefeuille administratif et fournir les empreintes biométriques, le plus dur est derrière nous. A ce détail près, aux demandeurs de visa Schengen, les refus sont, et de loin, plus nombreux que les approbations. Il faudra donc repasser plus tard pour tenter d’obtenir un droit de circuler de plus en plus court. Sisyphe, il faudrait ton courage !

Dans d’autres pays, à l’instar du Canada, le hic est ailleurs. Si la demande est validée, viennent les deux étapes extrêmement pénibles de dépôt et retrait du passeport, sans rendez-vous ! Ce qui peut vouloir dire 5 à 6 heures d’attente, voire plus, qu’il pleuve ou qu’il vente, et sous un soleil de plomb. Des personnes âgées qui n’en peuvent plus d’attendre debout s’évanouissent carrément, des jeunes venus de zones reculées, ayant roulé toute la nuit, perdent leurs nerfs. Il arrive que certains dorment au clair de lune devant le bureau consulaire, quand d’autres commencent à faire la queue dès l’aube. Question : si toutes les étapes de ce parcours d’obstacles sont millimétrées, pourquoi celles-ci échappent à toute organisation, donnant lieu de manière récurrente à des scènes de chaos ?

En raison de ce qui précède, le visa n’est plus seulement ce (précieux) laissez-passer. C’est devenu un symbole de réussite sociale. Plus la durée de validité est longue, plus l’on remonte dans l’estime de son entourage, voire de soi-même. Ne pas l’obtenir, outre l’extrême déception que l’on peut éprouver, mille questions existentielles peuvent nous assaillir.

N’en déplaise à certains idéalistes, l’humanité est définitivement coupée en trois grandes catégories. Le toit du monde est réservé aux VIP. Ceux qui jouissent du droit absolu de se déplacer aériens et légers sur cette vaste terre. Dans les aéroports, ils ont leurs propres couloirs, ils sont bien accueillis, même, on leur sourit. En bas du classement, s’entassent les damnés de la terre. Relégués au fin fond du monde, ils n’ont aucun droit, encore moins de voyager. S’ils s’y hasardent, le plus souvent, ils y laisseront leurs vies. Et puis, il y a les autres, ballottés de tous les côtés de cette vaste zone grise, ils sont livrés aux caprices des relations bilatérales, aux aléas des rapports de force, aux enjeux politiques électoraux, en un mot, à l’arbitraire.

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